Jardinons autrement, expérimentons, osons
« Laisser pousser » est le premier renoncement du jardinier aventureux qui s’éloigne des sentiers battus, pour partir explorer le jardin sauvage. Ça n’a l’air de rien à première vue, mais c’est un acte véritablement rebelle, une prise de décision forte, un engagement irrévocable (ou presque), un pas dans le vide, qui peut faire peur.
Peur de quoi au juste? Toutes sortes de peurs, et d’ailleurs c’est intéressant d’aller les interroger d’un peu plus près ces peurs venues du fond des âges… Parfois la peur de perdre le contrôle de la situation, ou bien la peur du regard des autres, ou plus fréquemment la peur de l’envahissement, ou la peur de l’inconnu tout simplement. Il y a le regard extérieur, celui du voisinage ou celui de nos proches qui ne comprennent pas qu’un foisonnement soudain vienne remplacer la moquette rase habituelle. Hautes graminées, buissons échevelés, entrelacs de lianes, jeu des feuilles mortes et des graines, festival d’herbes folles. « le jardinier est en vacances? La tondeuse est-elle en panne? »
L’herbe et la tonte
Faire ses premiers pas en terre inconnue…
Mettons de côté nos réticences et osons laisser pousser un rond d’herbes folles au milieu du gazon,… juste pour voir… pour changer les habitudes… Le premier pas est fait.
C’est maintenant que le voyage commence : observons tout ce qui se passe dans ce minuscule fouillis d’herbes. Surprise ! une sauterelle, … un salsifis sauvage… un chardonneret sur le salsifis.. les surprises s’enchaînent. C’est le début d’un émerveillement sans fin. Un plaisir gratuit, qui ne demande aucun effort supplémentaire. On ne s’ennuie jamais dans un jardin sauvage : sur chaque fleur, chaque herbe, se promène un insecte, une petite bestiole dont nous ne connaîtrons peut-être jamais le nom, car il y en a trop ! Elles nous semblent insignifiantes, et pourtant chacune est un maillon essentiel de la diversité du vivant. Un jardin sauvage est un livre ouvert où apprendre tout ce que nous ignorons.
A la fin mars nous irons couper quelques généreuses rosettes de pissenlits, feuilles de plantain, violettes, pâquerettes et lierre terrestre, pour en faire de merveilleuses salades.
L’expérience s’est bien passée, ouf! Fiers de cette réussite, osons un pas de plus, créons un cheminement souple, une jolie courbe invitant à la promenade. Le dessin sera différent chaque année, au gré des envies. Promenade au milieu des herbes, des bruissements, des caresses du vent. Apprivoisons les peurs qui surgissent, tapies dans l’imaginaire de cet enchevêtrement d’herbes.
De quoi a-t-on peur au juste ? … Il y a dans l’ombre épaisse des sous-bois ou dans la fange des marécages une inquiétude que l’inconscient tend à chasser. Ce qui est net et clair rassure. Tout le reste est peuplé d’elfes maléfiques… Pour changer des jardins il nous faut changer de légende : il me semble que nous en ayons les moyens.
Gilles Clément
Où peut bien se cacher la vie dans un jardin tondu jusque dans ses moindres recoins ?
Jardin sans vie, sans bruissement ni poésie… Remplaçons cette expression « entretenir le jardin » par une autre : « entretenir la biodiversité de notre jardin !…
La faux, c’est « tendance »!
En fin de saison, quand les herbes sont devenues trop hautes pour la tondeuse, la faux n’est pas découragée, bien au contraire. C’est la précieuse alliée sans laquelle un jardin sauvage tournerait inéluctablement en friche. Ceci dit la friche c’est intéressant aussi, mais ce n’est pas tout à fait un jardin. Pour exister le jardin a besoin de petits sentiers confortables pour la promenade, de contrastes entre espaces brouillons et plages calmes, d’un peu de lisibilité.
Aujourd’hui la faux fait son grand retour, et pour que ce soit un plaisir il faut le bon outil, le bon réglage, le bon geste pour ne pas se casser le dos. (Voir les infos sur cette page)
C’est un travail silencieux et méditatif, qui muscle le corps et procure bien de la joie à celui qui sait manier l’outil.
De belles image de fauchage dans la prairie de notre nouveau jardin, à La Roche l’Abeille. Plein de conseils aussi!
Paillage, indispensable
Une règle d’or est de ne jamais laisser le sol à nu, autour des arbres, entre les arbustes, au potager, dans le massifs de vivaces, etc. Il doit rester couvert, pour être en bonne santé!
Avec quoi pailler?
- de l’herbe fauchée dans un espace naturel (foin). Après le passage des engins (faucheuse ou girobroyeur) elle est facile à ratisser. De plus, le fait de retirer cette herbe est bénéfique à la prairie en place. Les rosettes des plantes vivaces reçoivent la lumière qui est indispensable à leur germination et à leur développement.
- de la laine de moutons (il est facile de s’en procurer gratuitement)
- des feuilles mortes, étalées et tondues
- du broyat de branches fines
- des fougères
- des engrais verts semés et fauchés sur place (moutarde, luzerne, phacélie, vesce…)
Ces différents paillages sont peu à peu digérés par les vers de terre, les champignons et les bactéries du sol qui les minéralisent et les rendent assimilables par les plantes. - de la bonne paille : La paille de bonne qualité est difficile à trouver. Issue de grandes cultures, elle contient souvent des résidus de produits indésirables tels que des hormones servant à raccourcir les céréales pour éviter la verse.
Foin, paille, fougères, copeaux de bois, brindilles, feuilles mortes, toisons de laine, tout est bon pour pailler le sol. Les bénéfices sont les suivants :
- maintenir l’humidité au pied des légumes, des rosiers, des arbustes, des arbres…
- limiter le désherbage de ces mêmes plantes, évitant ainsi qu’elles soient concurrencées par des herbes gourmandes et colonisatrices.
- protéger le sol des rayonnements du soleil et de la battance des fortes pluies qui entraîne l’érosion et la perte de fertilité des sols.
- Le paillage apporte de surcroît de la nourriture aux organismes du sol (vers de terre), qui le transforment en humus (principalement du carbone et de l’azote)
Problème de chenilles ?
Certaines années pluvieuses, sont prolifiques en chenilles, grignotant et perçant des trous partout !
Le problème va se solutionner tout seul… à condition que le jardin soit suffisamment habité par les oiseaux, (mésanges charbonnières, moineaux friquet, sittelles torchepot, troglodyte mignon… etc).
Un couple de mésange peut consommer 200 chenilles par jour, soit 30 kg de chenilles en une année en comptant l’élevage des petits !
Comment attirer ces oiseaux ? un jardin un peu sauvage, avec des bosquets d’arbustes à baies, une mare, des fleurs fanées laissées sur place durant l’hiver, quelques nichoirs adaptés.
Évitons de mettre des boules de graisse, qui donnent du cholestérol aux oiseaux : la meilleure nourriture pour eux reste les baies et graines sauvages, qu’ils trouvent dans les haies et les herbes sèches (mélisse, onagre, phlomis…etc)
La terre
Celle de notre jardin est précieuse, profonde et noire, et nous en prenons le plus grand soin. Évitons surtout de la piétiner, car le tassement l’asphyxie, l’empêche de respirer. La microfaune qui s’y trouve a besoin d’air pour bien décomposer, assimiler les éléments et fabriquer l’humus.
Les vers de terre, très nombreux, apprécient le travail en douceur, sans motoculteur, avec une simple fourche-bêche ou une grelinette.
Chaque terre est particulière. Observons sa couleur, son odeur, la vitesse à laquelle elle se réchauffe, sa profondeur… Ensuite, le défi est de choisir les plantes qui vont se plaire dans ce terrain là, et s’y adapter facilement.
Il y a des plantes pour l’ombre… d’autres qui se plaisent à rôtir au soleil, d’autres qui aiment patauger les pieds dans l’eau. Des plantes calcicoles ou calcifuges. Bien connaître les besoins de chacune, c’est une clé de la réussite ! Et pour chaque sol il existe des plantes adaptées.
Les sedum par exemple sont des petites plantes inconditionnelle du plein soleil en sol pauvre et très sec.
Recycler les branchages, bambous, et autres
Si vous ne savez pas quoi faire de tout ça, et que vous êtres fatigués de courir à la déchetterie, alors nous vous offrons notre toute dernière vidéo sur ce sujet. En espérant que cela vous inspire! Nous les branches on adore, on n’en a jamais assez…
Les graines
Je suis fascinée par les graines : minuscules poussières parfois, telles que celles de coquelicots, qui donnent naissance à de gros bouquets de fleurs écarlates. Celles de bardanes (à droite) ont inventé le velcro, et s’accroche au pelage des animaux, ou à nos chaussettes..
La graine, c’est un secret, c’est un jardin à elle toute seule. Un concentré de vie !
La graine me parle du temps, le temps qu’elle mettra à germer. C’est ça, pour moi, le temps du jardin.
Je n’aime pas acheter des arbres ou des arbustes déjà adultes, qui ont grandi trop vite, dans des pots étroits. J’aime les petites plantes, qui mettront plusieurs années à s’épanouir à leur vitesse, et à bien ancrer leurs racines.
Observer
Dans le jardin il y a des bancs, partout.
Une pierre, un tronc. Des bancs pour l’ombre et d’autres au soleil.
J’aime m’asseoir souvent : pour contempler, admirer la lumière, les oiseaux, la visite quotidienne du merle ou de la bergeronnette, regarder pousser les herbes, m’imprégner.
Les plantes sauvages
J’accueille beaucoup d’herbes folles, des sauvageonnes et je les aime toutes ! Même les piquantes comme l’ortie. Même celles qui ont une odeur âcre, comme la ballote ou l’épiaire, même celles qui se ressèment partout comme le fenouil, l’ancolie ou la bourrache…
Certaines en portent de très jolis : ’réséda lutea’, ’kickxia élatine’, ’cucuballe à baie’, ’germandrée iranienne’, ’eupatoire chanvrine’… Mes préférées sont celles que visitent les insectes à tombée du soir comme l’épiaire, la chélidoine et la valériane rouge.
J’aime quand les plantes viennent seules, là où le sol leur convient. Généreuses molènes, roses trémières, onagres, bien dressées au soleil… On peut lancer quelques graines, comme avec une baguettes magique ; ’lancer des jardins’ dans un sol un peu remué, et puis attendre le résultat… imprévisible, et toujours surprenant.
Les plantes sauvages se marient bien avec celles, disons ’plus …horticoles’. Si bien que l’on ne sait plus très bien quelle est la frontière entre les deux…
Une mamie-amie, Odette, m’a fait un jour cette remarque : ’Dis-donc, chez toi, il n’y a pas de mauvaise herbe ! Comment fais-tu ?’… J’ai souri, car en réalité elles sont vraiment partout, ces soit-disant ’mauvaises herbes’, mais un peu mises en scène elles passent aisément pour des figurantes…
Les graminées, voilà des plantes que j’aime vraiment beaucoup, car elles donnent un balancement au jardin, et à la fois structure et légèreté : calamagrostis, miscanthus, penissetum et panicum en tête.
Elles font le décor du jardin durant tous les mois de l’hiver, dernières à résister quand tout le reste est rabougri. Certaines sont parfaites pour la vannerie spiralée.
Les petites bêtes
Dans un jardin on peut discourir sur les fleurs, mais immanquablement on en vient toujours à parler des insectes… Dans mon jardin, ils sont les bienvenus : abeilles sauvages ou domestiques, bourdons, papillons, libellules…
Parce que les uns ne vont pas sans les autres. Un jardin sans fleurs équivaut à un jardin sans insectes, et inversement !
Si je plante le grand fenouil bronze, c’est pour plaire au grand papillon Machaon, et découvrir un matin ses étonnantes chenilles vertes, orange et noires.
A visionner et partager : Les soigneurs de la Terre / Claude Bourguignon :