Plantes bio-indicatrices
Les « mauvaises herbes » dont on veut se débarrasser sont en réalité des indicatrices de l’évolution du sol et permettent de prévoir des dysfonctionnements avant qu’ils ne se manifestent et qu’il soit trop tard pour les réparer. Une plante ne pousse pas par hasard ; lorsque vous la rencontrez dans votre jardin, elle a un rôle à jouer dans cet endroit là, à ce moment là.
Gérard Ducerf – L’Encyclopédie des Plantes bio-indicatrices
Tout jardin est un terrain de découverte de ces plantes sauvages dont parle si bien Gérard Ducerf dans son encyclopédie des plantes bio-indicatrices (Ed.Promonature).
Ecouter une conférence audio où Gérard Ducerf nous parle des plantes dites invasives conférence où il est question du chardon mais aussi de la renouée du Japon, du liseron des haies, de la petite ciguë, de la renoncule, de l’ambroisie, du phytolaque, de l’herbe de la Pampa, de la prêle, mais aussi du mouron blanc, des campanules…
Les plantes sauvages de A à Z
Connaître les plantes est un apprentissage long et difficile quand on n’y connaît rien ! Mais petit à petit on en apprend l’alphabet : pissenlit, pâquerette, plantain sont les plus faciles à reconnaître à la lettre ’P’ ; Carotte sauvage, camomille, chénopode à la lettre ’C’…
Quand on souhaite connaître le nom d’une plante, le plus simple est d’attendre qu’elle fleurisse (ne pas l’arracher, donc, ni la tondre…).
En effet, la forme et la couleur de la fleur sont des indices essentiels pour la reconnaissance des plantes en général. Cela permettra de la trouver dans une flore. On peut aussi s’aider du merveilleux site Tela botanica.
Lorsqu’une plante est présente en grande quantité dans le jardin, elle nous donne des indications précieuses sur le sol sur lequel elle se développe. Elle sont généralement dépolluantes des sols abîmés.
Voici quelques exemples :
A comme Armoise commune (Artemisia vulgaris)
Cette belle et grande vivace au revers gris. Elle indique que le sol y est asphyxié par le compactage et l’excès de matières organiques. Les bons gestes consisteront à remettre de l’air dans ce sol avec l’aide d’une grelinette, et de n’apporter aucun amendement pour aider le sol à se désengorger.
B comme Ballote : ballota nigra
Cette vivace, très présente au jardin, aromatique au parfum vraiment particulier (puante pour certains), nous indique que là où elle pousse le sol est plutôt calcaire et bourré de matières organiques animales. A petite dose nous l’apprécions en infusion pour ses vertus ’anti-stress’.
Bardane : arctium minus
Cette robuste plante bisannuelle pouvant atteindre 1,50 m, a des fleurs roses très mellifères et des gros fruits qui s’accrochent partout ! Elle prolifère dans certains coins du jardin engorgé de matières organiques provenant de la décomposition du bois et d’écorces.
Bryone : bryonia dioïca
Grimpante dioïque vivace, cette liane s’accroche partout grâce à ses vrilles.Elle a une forte racine, d’où son nom : ’navet du diable’. Bien que toute la plante soit toxique, elle est précieuse en homéopathie (Bryonia dioïca).
Elle indique un sol engorgé en matière organique, qui évolue vers un milieu forestier. Ses fleurs mâles ou femelles sont butinées par l’andrène de la bryone, une petite abeille sauvage. Les fruits sont de petites baies vertes puis rouges, dont raffole la fauvette à tête noire.
C comme
Chardon à feuilles lancéolées :
Cirsium vulgare
Nous laissons grandir les chardons là où ils ne gênent pas : malgré leur mauvaise réputation ce sont eux en effet qui réparent les sols malades et carencés, en allant puiser le phosphore en profondeur. (voir la vidéo en haut de page, et celle ci-dessous)
Explications de Gérard Ducerf sur le chardon des champs ’Cirsium arvense’
Chélidoine : Chelidonium majus
Vivace connue comme ’herbe à verrues’, elle secrète un lait orangé quand on la coupe et pousse souvent à proximité de l’homme.
Elle indique un sol très riche en azote et en matières organiques.
Coquelicot : Papaver rhoeas
Le voici en rosette, avant l’apparition des fleurs. Annuel, bon comestible en salade printanière, il indique un fort contraste hydrique, avec un sol gorgé d’eau en hiver et très sec en été.
Camomille : Matricaria inodorum
Annuelle, amie des sols fraîchement retournés, comme son cousin coquelicot, la camomille inodore signale un sol déstructuré, facilement lessivé, et à fort contraste hydrique. Laissons-la donc recouvrir la terre fragilisée de son léger manteau vert, protecteur du brûlant soleil et des pluies battantes.
Cerfeuil penché : Chaerophyllum temulum
Bisannuel, il met deux années pour faire son cycle complet. Il pousse en lisière de notre petit bois. C’est une plante toxique, à ne pas confondre avec le cerfeuil comestible, qui indique que le sol est engorgé en nitrates et nitrites (lisiers, fumiers).
E comme Euphorbe lathyris,
chasse taupe = grande épurge
Jolie bisannuelle à racine pivotante.
Elle ne tue pas les taupes, contrairement à ce que son nom laisse penser.
Comme pour toutes les euphorbes, évitons de la toucher sans gants, en raison de son latex blanc toxique et très corrosif. Elle se développe dans un sol pollué par les pesticides et les engrais chimiques récents ou anciens (rémanence du DDT), et se ressème spontanément.
Elle agit comme dépolluante de ces sols malades.
Epiaire des bois : Stachys sylvatica
L’épiaire pousse en sols riches en matières organiques végétales, (lisière de forêt par exemple, coupes de bois)
F comme Fumeterre officinale : Fumaria officinalis
Cette merveilleuse et délicate annuelle indique encore une fois un sol engorgée par excès de fumure, d’où son nom. Elle est discrète et se faufile entre les autres plantes du jardin. Elle est comestible crue ou cuite, et ses fleurs sont très visitées par les bourdons jusqu’en juillet.
G comme
Géranium découpé : Geranium dissectum
Cette annuelle se ressème volontiers dans les sols excessivement riches en nitrates et fumier.
Géranium herbe-à-Robert : Geranium robertianum
C’est une belle annuelle ou bisannuelle présentant une forte odeur caractéristique. Robert = Ruber, de la couleur de ses pétioles et feuilles rouges. Elle se rencontre en tapis à la lisière de notre petit bois, soulignant sa richesse en matière organique végétale. Plante souveraine pour bien des maux comme les angines ou le diabète.
Gallium aparine : Gaillet gratteron
Encore une plante annuelle, bien connue pour s’accrocher partout. Elle est dispersée par les pelages des animaux. Elle germe dans un sol gavé d’amendement azoté et est capable de le dépolluer en exportant cet excès.
Plante comestible, jeunes pousses en salade mélangées.
L comme Lierre terrestre : Glechoma hederacea
Son nom nous induit en erreur car il n’a rien à voir avec du lierre, si ce n’est sa faculté à ramper sur le sol et à tisser des tapis. Le lierre terrestre est une vivace mellifère qui se plaît à la lisière des bois. Il indique un engorgement en matière organique végétale, telle que bois mort, terreau de feuilles, écorces.
Laitue scariole : Lactuca seriola
Cette laitue sauvage est à l’origine de nombreuses variétés de salades cultivées. Ses jeunes feuilles riches en vitamines et minéraux sont appréciables en salades en mars-avril, quand elles ne sont pas encore rugueuses.
Elle pousse dans les sols riches en nitrates et matières organiques.
Laiteron maraîcher : Sonchus oleraceus
Annuel reconnaissable à sa rosette vert teinté de rose, il entre dans la composition des salades printanières.
Il pousse dans des sols très riches en matières organiques et lourds, en anaérobiose.
M comme Mouron des oiseaux : Stellaria media
Annuelle des salades printanières, particulièrement riche en vitamine C. Voilà une plante qui nous indique que dans le coin où elle pousse les bactéries sont à l’œuvre et que le sol retrouve sa bonne santé. Réjouissons-nous de le voir fleurir, et abstenons-nous d’apporter une quelconque fumure.
O comme Ortie : Urtica dioïca
Certainement la plante sauvage la plus précieuse, tant ses vertus sont nombreuses !
En cuisine et tisane (riche en fer), en extrait fermenté, en teinture, en fibres à tisser,… c’est une incontournable. De plus les coccinelles l’adorent, ainsi que les chenilles des plus jolis papillons du jardin (paon du jour ou vulcain par exemple).
Que nous dit-elle ? A son pied nous trouverons bien souvent des morceaux de fer rouillés (clous, outils). Elle nous indique aussi un sol engorgé en nitrates.
Attention à l’endroit où nous la récoltons pour la cuisiner. Évitons de la prendre en contrebas des champs traités.
P comme Plantain lancéolé : Plantago lanceolata
Le plantain lancéolé, vivace, pousse dans les pelouses équilibrées en matières organiques.
Nous le rencontrons justement dans une prairie du jardin où nous avons retiré l’herbe de tonte depuis plusieurs années, afin d’exporter les excès d’amendement. Les pissenlits ont peu à peu disparu, laissant place à une flore diversifié.
Le plantain est souverain pour apaiser les piqûres d’insectes ou d’orties et c’est une excellente plante comestible.
Un autre plantain, à feuilles rondes (plantago major), est présent dans la cour de la ferme, indicateur de sols abimés car piétinés par le bétail.
Pâquerette : Bellis perennis
Tout le monde connaît cette plante vivace. Elle pousse en prairies favorables à la production laitière. Présente en excès elle indique un sol piétiné, en cours de dégradation par lessivage.
Pissenlit dent de lion : Taraxacum ruderalia
Cette plante vivace mellifère, bien connue des gourmets pour ses salades printanières, est une excellente médicinale dépurative.
Elle devient envahissante dans les prairies trop riches en matières organiques animales, et compactés.
R comme Rumex à feuilles obtuses
Cette plante vivace de la famille de l’oseille, à forte racine pivotante, se reconnaît facilement à ses feuilles larges et à ses hampes florales rousses.
Elle se développe dans les prairies d’élevage intensif, les sols engorgés en eau, pollués par les nitrites. C’est le signe d’un sol gravement abîme.
Elle pousse chez nous dans le sol très compacté de l’ancienne cour de ferme, où l’eau stagnait. Nous avons décompacté en retirant l’empierrement en silex qui empêchait l’eau de s’infiltrer. Cette plante disparaît peu à peu, indiquant que le sol est en cours de guérison.
S comme Séneçon commun : Senecio vulgaris
Cette petite annuelle est le régal des oiseaux (chardonnerets).
Elle nous indique un excès d’azote dans le sol, qui est lessivé et érodé par les pluies par manque de couverture.
Salsifis des prés : tragopogon pratensis
Il pousse dans un coin de prairie du jardin, en compagnie du plantain lancéolé, indiquant comme son cousin une prairie équilibrée, qui doit être fauchée tardivement pour préserver sa richesse floristique.
V comme Vesce cultivée : Vicia sativa
La vesce commune grimpe et s’enroule sur d’autres plantes grâce à ses vrilles, dans les sols compactés, où le phosphore est bloqué.
Véronique de Perse : Veronica persica
Cette petite annuelle en tapis aux myriades de petites fleurs bleues pousse dans les sols compactés, riches en nitrates et en matières organiques. Si on continue à y apporter des fumures, liseron et chardons prendront sa place !…
Et les graminées sauvages ? (appelées Poacées)
Elles sont un peu plus difficiles à identifier, surtout au printemps quand elles ne portent pas encore d’inflorescences.
Voici un petit échantillon :
Fromental, ou avoine élevée : Fromental : Arrhenatherum elatius
est une grande herbe vivace des prairies riches de bonne qualité.
Brachypodium sylvaticum : Brachypode des bois
il a de jolies feuilles vert clair, assez larges. Il pousse de préférence à mi-ombre.
Brome stérile : Bromus sterilis
Jolie graminée annuelle, évoquant l’avoine. Elle se plaît là où le sol est carencé en potasse, et engorgé en matière organique d’origine végétale. Elle fleurit assez tôt, en avril-mai
Chiendent rampant : Elytrigia repens
Cette graminée vivace pousse dans des sols fatigués, par excès de nitrates, de potasse et de labours.
Ses épis sont disposés latéralement sur la tige
Ray grass anglais : Lolium perenne
Cette graminée vivace a une inflorescence avec des épis disposés sur un même plan (contrairement au chiendent).
Cette graminée est un bon engrais vert qui entre dans la composition des prairies de qualité.
Ray grass d’Italie : Lolium multiflorum
Cette graminée annuelle, un peu plus haute que sa cousine, adepte des sols destructurés, compactés et engorgés en nitrates. Cette plante précieuse est capable de restructurer les sols et rétablir leur fertilité.
Houlque laineuse : Holcus lanatus
Graminée vivace, douce et blanchâtre. Elle pousse dans des terres riches en matière organique où l’activité des bactéries est bloquée.
Agrostide stolonifère : Agrostis stolonifera
Cette vivace a des rhizomes traçants. Elle indique un sol engorgé en eau, en matières organiques, une asphyxie de la vie microbienne, un blocage du phosphore dû au compactage par le bétail par temps humide..
Vulpin des champs : Alopecurus agrestis
Cette graminée est annuelle. Le message qu’elle nous délivre est encore une fois un engorgement et un compactage d’un sol très dégradé.
Que faut-il faire pour « sauver’ »la terre d’un terrain malmené ?
Prenons conscience que les plantes qui poussent là sont en train de dépolluer, d’assainir, d’exporter les excès. Laissons les faire leur travail, et accompagnons-les en exportant les herbes coupées. Remettons de l’air dans le sol à l’aide d’un léger décompactage à la grelinette.
Et observons l’évolution lente, qui années après années laissera apparaître de nouvelles plantes, signe que le terrain est en cours de guérison.
Suivez-nous, dans cette vidéo de 20 minutes, je vous montre plusieurs exemples concrets dans notre terrain des Petites Ruches dans l’Yonne, ou d’autres endroits proches.
La pratique d’un feu de branchages, ou le compactage des engins, ou encore le déversement de produits chimiques, entraînent la dégradation durable d’un sol, d’un petit bout de notre planète. Que ce passe-t-il à cet endroit ? Comment la nature se défend-elle contre ces agressions et comment répare-t-elle ses plaies ? Voici les réponses en images.
Les plantes présentées dans la vidéo : chardon des champs (Cirsium arvense), chardon à feuilles lancéolé, grande épurge (Euphorbia lathyris), petite ciguë, ortie dioïque, centaurée macrocephala.