Ruches Refuges, pourquoi?
Le pot de miel est joli, l’emballage fleuri, et l’abeille semble heureuse de nous offrir son miel… Le consommateur s’imagine qu’en l’achetant il participe à la préservation des abeilles…
Pourtant, au regard des pratiques apicoles modernes, l’abeille est loin de se la couler douce, car pour augmenter les productions elle est soumise à des pressions extrêmes. L’apiculture est devenue, à l’image de l’agriculture, de plus en plus intensive.
Imaginons ce que serait un autre rapport à l’abeille, une relation plus douce…
Pour avoir une vision très détaillée de ce sujet, vous pouvez consulter notre livre Ruches refuges,
paru en 2020 aux Éditions Ulmer. Voir ici présentation du livre
Les abeilles mellifères vivant à l’état sauvages existent en France, et aussi en Suisse (voir l’association FreeTheBees dans les liens amis). Nous en connaissons de nombreuses colonies. Certaines d’entre elles nous ont appris qu’elles peuvent survivre plusieurs années sans apiculteur et essaimer au printemps. Diverses études scientifiques en attestent.
Les limites de ce que nous avons coutume d’appeler le « progrès » sont atteintes dès que l’on fragilise le Vivant. L’abeille, animal minuscule, subit en silence, des dérives.
Le marquage
Une tâche de peinture, ou, pire encore une goutte de colle est appliquée directement sur le thorax de la reine avant d’y déposer la pastille en acier inoxydable. Un crayon aimanté permet de l’attraper plus facilement. Les dossards API… sont vendus aussi avec une barre magnétique de 270 mm de longueur. Placée immédiatement au-dessus de la petite porte de sortie de la ruche, elle bloque la reine qui se prépare à l’essaimage, aimantée par le dossard magnétique qu’elle porte sur le dos.
Le clippage
Autre pratique courante en apiculture consiste à couper la moitié des ailes de la reine, toujours dans le même but, celui de l’empêcher de partir. La colonie se trouve alors dans l’impossibilité d’effectuer un essaimage naturel puisque la reine ne peut plus voler. (les ailes ne repoussent pas ! Et si certains ne coupent qu’une aile sur deux, le résultat reste le même.)
Cette pratique du clippage, mutilation de la reine, est interdite sous certains labels en apiculture bio.
Sélection des colonies : sur quels critères ?
« Le rêve de l’apiculteur est d’avoir des abeilles parfaites ! »…
À quoi ressemble l’abeille parfaite selon les professionnels ?
Quels sont les principaux critères qu’ils ont retenus pour tenter d’approcher la fameuse abeille idéale’ ?
- la bonne productivité (appelée instinct d’amassage)
- la douceur comportementale (afin de pouvoir travailler sans protection ni enfumoir)
- la bonne tenue aux cadres : Les abeilles restent sur leurs cadres sans réactions notables aux manipulations
- la faible tendance à récolter la propolis (qui colle les cadres et tache les habits)
- la faible tendance à l’essaimage
Les colonies des ruchers de sélection reçoivent des notes (allant de 1 à 5) sur chaque critère, et les mal notées sont déclassées et écartées du rucher.
Au bout du compte, les abeilles obtenues par sélections répétées n’ont plus rien à voir avec les anciennes souches. Elles sont devenues des abeilles douces et productives, certes, mais aussi d’une extrême fragilité, ne pouvant plus subsister sans l’aide de l’homme (surveillance, remplacement des reines, distribution de sucre et de compléments alimentaires, acaricides pour traiter leurs parasites… etc).
Et la performance se monnaye de plus en plus cher chaque année…
Lorsque les conditions météo sont critiques, les colonies ne résistent pas et s’écroulent ; elles n’ont pas le patrimoine génétique qui leur permettrait de résister à ces conditions extrêmes.
L’insémination artificielle des reines
En apiculture conventionnelle, les reines d’élevage sont produites par centaines, de façon artificielle, et souvent inséminées artificiellement. La plupart des apiculteurs sont devenus dépendants de cette industrie.
Comme le dit Gunther Hauk La cause la plus grave de la baisse de santé et de vitalité de l’abeille c’est la production artificielle des reines.
l’insémination instrumentale des reines a été réellement mise au point vers 1970 pour maîtriser le pedigree des souches, garantir le maintien des performances obtenues, sans risque de ’pollution génétique’.
Pour cette opération la reine est anesthésiée (CO2), et le sperme d’une seule lignée mâle lui est injecté (’single drone’)
Sa longévité s’en trouve diminuée : au lieu de vivre 5 ans, elle ne durera qu’1 ou 2 ans, et il faudra sans cesse la remplacer.
La reine pond des abeilles-soeurs, et la colonie aura très peu de diversité en comparaison d’une colonie sauvage où la reine s’accouple naturellement avec par un grand nombre de mâles.
Cette pratique dommageable pour l’abeille est aujourd’hui très largement répandue (Chili, Argentine, Canada, Etats-Unis, Hawaii, Nouvelle Zélande, Pays de l’Est…), et les reines d’importation voyagent légalement par avion à travers le monde.
Elle est toutefois réglementée en apiculture bio : La charte bio Demeter interdit cette pratique ; celle de Nature et Progrès la tolère dans le cadre de la sauvegarde génétique d’un écotype d’abeille locale.
Le sucre, sous toutes ses formes : sirops et candis de nourrissements
La nourriture naturelle de l’abeille est, rappelons-le, le miel. Et celle de ses petits, le pollen.
Alors pourquoi les nourrisseurs de ruches sont-ils remplis de sucre ? pour stimuler les abeilles, augmenter les productions, et parce que leur miel est prélevé au fur et à mesure que les abeilles le fabriquent.
En France, la quantité de sucre donné aux abeilles représente 1 à 2 fois la production totale de miel, selon les années.
Ces sirops et autres candis fragilisent les abeilles en diminuant leurs défenses immunitaires, jouant un rôle certain dans le déclin des abeilles.
La forte consommation de sucre est également une réelle menace pour l’homme (les enfant sont particulièrement visés), accroissant considérablement les risques d’obésité et de diabète.
La réalité est-elle aussi noire ?
Voici l’extrait d’un texte de Guillaume Lemoine, lui même apiculteur, qui dénonce ces pratiques :
« Ne nous voilons pas la face. Nos pratiques, même pour les apiculteurs amateurs, relèvent majoritairement de l’apiculture intensive. Les apiculteurs utilisent massivement depuis un siècle des abeilles importées comme les abeilles italiennes (Apis mellifera ligustica), carnioliennes (Apis mellifera carnica) ou encore caucasiennes (Apis mellifera caucasica) et leurs hybrides comme la Buckfast. Ces introductions ont été faites et sont toujours réalisées dans le but de donner des colonies plus productives, plus fortes en nombre d’individus et ayant une plus longue période d’activité (et parfois des individus plus doux).
La sélection artificielle, l’élevage et le clippage des reines, l’utilisation massive de sirops de stimulation et nourrissement (dont l’usage en France est plus du double en volume que la production de miel), le développement de l’usage de ruches en plastique, l’usage de cires et sirops contaminés… ainsi que le déplacement des colonies (transhumance) sont monnaie courante dans l’apiculture moderne. »
Une nouvelle voie possible : la slow apiculture
Comment pouvons nous modifier notre relation à l’abeille ?
En lui redonnant, du moins partiellement, un statut d’insecte libre et sauvage.
- abandon de l’élevage de reines, des cires gaufrées, des nourrissements au sucre
réduction des transhumances et des traitements allopathiques
Que pouvons nous faire individuellement, face à ce constat ?
Nous pouvons agir par nos choix de consommation : consommer moins de miel et aussi moins de produits à base de miel (pains d’épices, biscuits au miel, céréales au miel pour les enfants, etc, car du miel chauffé perd toutes ses propriétés…). Le remplacer par du sucre intégral (bio) ou des confitures maison.
Considérer le miel comme un alicament, puissant remède, bien utile en périodes de fatigue, ou de convalescence . Ne plus acheter ni pollen, ni gelée royale, ni aucun produit contenant de la gelée royale, toujours dans un souci du respect de l’abeille